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"Tu sais, être mannequin n'est pas facile.

J'ai une belle vie, j'ai de l'argent, célébrité, fans, des millions de mentions j'aimes sur mes photos. Je sors avec les plus grands artistes, je consomme de la drogue pure, je fréquente des clubs extraordinaires, des suites dans des hôtels cinq étoiles. Je couche avec qui je veux, quand je veux. J'ai de l'argent à dépenser, je porte Versace, Gucci, Balenciaga et Messika sur moi. J'ai la vie de rêve et pourtant, être mannequin n'est pas facile. J'ai tout ce que je veux à portée de main, et je suis malheureuse.

Une fois devant le podium, vêtue de lingerie fine et talons hauts, accessoires plus ou moins lourds sur mon dos, c'est à ce moment que je réalise à quel point qu'être mannequin est triste. Et dernièrement j'écoutais une chanson qui disait que les mannequins sont probablement les personnes les plus tristes sur cette planète, et j'y ai réfléchi. J'ai presque eu envie d'aller lui dire qu'elle avait raison.

Je travaille pour me faire regarder. Mon travail c'est de marcher sur un podium pour exhiber des vêtements. Les gens ne se concentrent pas sur moi. C'est le vêtement qui me porte, je ne suis qu'un autre accessoire pour le vêtement. Je suis un support, je suis là que pour montrer le vêtement. Je marche avec ces talons hauts qui me font mal aux pieds, ces vêtements que je dois faire attention de ne pas briser, avec un maquillage qui n'est pas là pour me faire paraître plus belle, mais pour mettre en valeur le vêtement.

Car vraiment, si je passe mes journées à courir sur une machine ou à me restreindre de manger tel ou tel aliment ce n'est pas pour que les gens me trouvent jolie, mais bien pour que mon corps, le support du vêtement, soit approprié pour ce que je vais présenter devant tous ces photographes, critiques et designers. Et si je me dois d'être mince, c'est parce que toutes ces modes ne créent que des vêtements pour des gens avec une petite taille. C'est alarmant. On me dit, "Isabella, pour Milan Fashion Week, tu dois pouvoir rentrer dans une taille zéro. Il n'y a que ça. Pour l'instant, ça va. Mais je te conseille de passer un peu plus de temps à réguler ta diète parce que sinon, tu ne pourras pas marcher pour les collections."

Ça a moyen de me frustrer. Car je suis celle que les jeunes femmes regardent et admirent. Celle qu'elles regardent et souhaitent imiter, la plupart du temps. Je suis un icône de beauté, de style. Dieu sait le nombre de fois que j'ai vu mon visage sur tel ou tel magazine à tenter de mettre à l'avant un produit que je ne porte même pas, et voilà que je vois ces jeunes filles porter ce que je porte sur ce même magazine. À passer leurs journées dans un gym pour pouvoir avoir une taille aussi mince que la mienne. C'est désolant de voir qu'une mannequin comme moi doive continuellement perdre du poids pour être au top.

Et même à ce stade, où se trouve le top? Il n'y en a pas. Car une fois que tu l'atteins, tu te rends compte que tu n'y es pas vraiment. Que tu dois encore monter d'autres échelons. Qu'en réalité, même si tu marches pour Versace, Anna Sui ou Giorgio Armani, tu ne seras jamais au top.

Je peux peut-être me permettre d'acheter tout ce que je veux, de vivre une vie aisée. 

Et pourtant, je suis malheureuse.

Je suis malheureuse car dans le milieu que je travaille, je ne suis pas une personne.

Je ne suis qu'un support de vêtement."

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